Ma première navigation au large ? 14ans en catamaran à 32nds sur un surf, sans mât 🙃
C’était un peu avant le brevet des collègues avec mon petit frère Timothee Bourgnon et @yYvan Bourgnon, qui préparait doucement son tour du monde en catamaran sans nous le dire 🤓
Le but était de partir de Saint-Brieuc, pour rejoindre nos grands parents vers St Nazaire en NacraF20. Nos vacances de Pâques En autonomie, il fallait naviguer toute la journée et s’arrêter sur la plage d’îles le soir pour beacher et dormir dans la tante sur le bateau, ou sur le sable 🏝️
On emmène le minimum syndical avec nous dans des sacs étanches. On les place sur le trampoline et les ailes. Oui oui, je parle bien des prémisses de plusieurs bêtises en catamarans qui suivront derrière😉
Sur le moment, nous avons banalisé cette aventure. Avec le temps, je réalise que c’était loin d’être banal.
Les conditions n’était pas simples. Je repense à nos heures passées au trapèze sur les échelles au près dans 2m de vagues en Bretagne Nord, à nos envolés jusqu’au milieu du spi avec mon petit frère dans les enfournés, à mon père qui met une limite de vent à 35nds pour naviguer. Si c’est 33 ? On y va. On trouvait ça très normal, en combinaison néoprène de 2mm le jour et en quadruple polaire la nuit. Clairement, on a eu froid toute la semaine. On rigole encore aujourd’hui de moi, accroché au haubans, faisant trembler tout le bateau de frisson pour me réchauffer.
Un moment fort était au passage de la pointe Saint-Mathieu où je découvrais ce qu’était un « bouillon » : avec les vagues/courant/vent dans tous les sens qui créer une mer chaotique 🌊 Je trouvais ça fascinant de passer dedans et je ne devais pas être le seul vu qu’on était silencieux à bord.
Aujourd’hui déjà, même avec plus d’expériences, je trouverai ça compliqué à faire. Puis je repense à Timothée, qui l’a fait à 12ans, sans broncher, sans se plaindre une fois, complétement sous-équipé, toujours le sourire et à rigoler, sans jamais avoir l’impression de souffrir. Je le trouve très sous-estimé et je suis très admiratif de la façon dont il a vécu cette itinérance 💪
Un instant, il m’a fait sacrément peur. Surement ma première frayeur en mer et encore aujourd’hui celle qui m’a le plus marquée.
Au Raz Blanchar, où le bouillon était encore plus fort. On est tous les deux au trapèze comme deux petites grenouilles agrippées en arrière à l’échelle et au dos de notre père pour ne pas tomber 🐸🐸 Nous étions si légers facé à ces vagues, balancés comme des marionnettes. Sur un coup de fouet de vague, on glisse tout les deux au trapèze. J’arrive à rester agrippé mais pas lui. Il se retrouve, toujours accroché au harnais, la tête dans l’eau, le corps à l’envers, les jambes en l’air le long de l’avant de la coque. Compliqué de savoir physiquement comment il est resté accroché au trapèze mais tant mieux 🤸♂️ Ce n’était vraiment pas le bon moment pour tomber. J’entend un « vas vite l’aider ». Mon père ne pouvait pas lâcher la barre. Dans mes souvenirs flous, je me déplace comme je peux, en tombant moi aussi à moitié. On est tous les deux valsé entre les vagues et la coque. Et là, les secondes passent vite. Trop vite. Et si je n’arrive pas à rapidement le remettre droit… Pas le droit à l’erreur.
J’arrive pour l’attraper avant que son crochet lâche. Ca ne devait vraiment pas être confortable de se faire frapper la tête, dans l’eau, à moitié sous la coque. Mon père l’aide à le remettre droit, je ne sais plus trop comment. A l’époque, je suis encore plus maigre. Comme un coucou au régime! Et je suis incapable de soulever mon poids. Je me souviens avoir mal au bras gauche en le remontant. (Cela vous rappellera peut-être une histoire dans la Manche.) Il reprend sa respiration et ses esprits. Suite à ça il arrêtera un peu le trapèze le temps que les vagues deviennent moins traitres mais y retournera quelques heures après. Le cœur a battu fort et s’emballe aussi quand j’y repense 🩺
On est reparti de plus belles. Mais vous vous en doutez, tout ne s’est pas passé comme prévu Le lendemain, pas loin de l’île de Groix, on part comme des balles, 18knts ! Le bateau surchargé. Forcément pas une bonne idée. En quelques minutes, la poutre avant cède 💢 Gros vrac sur le bateau, tout notre matos attachés au bateau immergés. La GV se déchire. Avec mon frère l’ambiance reste bonne, on rigole, on continue de faire des blagues, c’est bon, le père il gère. Nous avons pour ordre de rester à tout prix sur le bateau avec mon frère et de ne rien faire. Pourtant un moment je vois un gant qui tombe dans l’eau et traine derrière le bateau. Je dis « oh non mince le gant ». Timothée, déjà bénévole The Sea Cleaners et protecteur des océans avant l’heure, en toute confiance, saute pour rattraper le gant, nage vite et revient sur le bateau. Mon père entend son plouf dans l’eau, il remonte un peu sur le bateau et cri pour la première fois de sa vie sur moi.
« -Mathis! Tu pousses pas ton petit frère à l’eau!
-Heuu heuuu il a sauté!
-Timo !! Tu ne sautes pas à l’eau ! Le bateau dérive plus vite que toi et on n’a pas les moyens de venir te chercher sans mât! Le gant on s’en fout! »
Autant dire qu’on rigolait plus trop après. Un gant pour un petit frère, je préfère avoir mal aux mains.
Mon père pendant ce temps là, passera 6h dans l’eau à remettre tout en ordre. Ranger les voiles, le tangon la poutre cassé, remettre le mât sur le bateau, placer la mise à l’eau avec du cordage pour remplacer la poutre avant. Un radeau de la méduse en carbone.
Suite à des plaisanciers qui sont passé pas loin de nous et ont du avertir le CROSS, la SNSM vient à nous. Mon père est alors encore dans l’eau entrain de ramasser tous les morceaux. Encore un dialogue qui forme:
« -Vous avez besoin d’aide peut-être ?
-Non non tout va bien, le vent nous ramène vers Etel, dans quelques heures on s’échouera là bas en beachant avant la tombée de la nuit. C’est tout bon on ne coule pas. Désolé si d’autres vous ont dérangé mais tout va bien.
-Monsieur, votre bateau est démâté. Vous savez naviguer ? On peut évacuer les enfants d’abord ?
-Oui oui j’avais mon trimaran à Lorient en face, je sais naviguer. Et non non j’ai besoin d’eux, vous voulez partir les enfants ?
-Non non on reste avec toi. » On répondra en même temps. On ne va pas dans le bateau d’inconnus disait maman.
Effectivement quelques heures plus tard, en fin d’après midi, on arrive enfin proche de la côte. Le mât est parallèle à nos coques, pos au milieu sur la poutre arrière et la mise à l’eau qui tient avec 2 bouts autour des coques. On a le droit à un brief d’échouage. Moi et du matos à tribord et mon père et Timothée à bâbord pour équilibrer les poids. On prévoit tout ce qui peut se passer, j’ai une ancre à jeter au cas où. Si la mise à l’eau ne tient pas, le bateau va se plier comme un château de cartes, j’ai pour ordre de sauter le plus loin possible du bateau, lui se démerdera pour protéger Timo.
En s’approchant, on trouve étrange les écumes sur les vagues au bord de la côte alors qu’il n’y a pas beaucoup de vent. Oh purée ! Ce sont les vagues ! Le spot de surf d’Etel est en feu🔥A telle point que les vagues sont assez grosses pour qu’aucun surfeur ne s’y aventure… Je n’ai jamais revu cette côte dans cet état.
On repart pour beacher comme avant, mais pas de la même manière… L’ambiance est silencieuse une fois de plus à bord.
La première vague nous prend, le bateau est très soulevé mais pas emporté. Une bonne partie du bateau est passé sous l’eau, la prochaine sonnera le glas.
Elle arrive, elle parait immense. Elle soulève l’arrière du bateau fort. Le cata se penche en avant, le mât de 10m de long est à moitié dans l’eau derrière nous et devant nous, prêt pour faire du saut à la perche sur le fond. La scène est impensable. On prend la vague, un surf comme jamais vous n’en verrez. 3 couillons, avec leurs tentes sous le bras, leurs voiles sous les pieds, sur un bateau sans mât, une mise à l’eau en poutre avant, le bateau fumant à toute vitesse sous les écumes de la vague. Le GPS enregistrera 32nds de vitesse dans le surf! (Anecdote: c’est resté ma vitesse maximale atteinte sur l’eau pendant très longtemps, jusqu’à faire du catamaran à foil en ETF26). Tout a tremblé, nos fesses ont applaudis et le bateau arrive à fond sur la plage, beachant proprement sans faire de bruit… Nous vidons les coques de l’eau embarquée, allons manger une pizza et dormons au chaud chez un ami de mon père habitant pas loin. On reviendra démonter le catamaran pour ensuite aller voir les grands-parents par la route 😕
Je demande si c’est plus facile de faire le tour de la Bretagne en catamaran ou d’avoir le Brevet des collèges. Il me répond: combien de personne que tu connais ont le brevet ? Combien ont fait le tour de la Bretagne en catamaran ? Suite à ça, le brevet était plus relax.
L’année d’avant, ma mère m’apprenais avec mon frère à conduire un 4×4 dans les dunes du dessert d’Oman 🚙 Cela posera les standards 🙂